Bienvenue sur le blog de Hervé Saint Preux

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Haïti : La nouvelle arnaque

 

 

Le drame du 12 janvier 2010 en Haïti a ouvert la voie à un nouveau commerce lucratif, les «maisons parasismiques».  Les uns et les autres ont trouvé dans le malheur du pays une nouvelle manière de se remplir les poches et de se moquer de la population. Cette nouvelle escroquerie est une indifference de trop affichée à l’égard du pays. Pire encore, cette mystification représente un moyen efficace pour freiner tout élan du pays vers une reconstruction véritable et moderne.

 

En effet, depuis quelque temps on assiste à une kyrielle de projets de construction de «maisons parasismiques» à travers tout le pays. Quand ce n’est pas avec le PNUD (Programme des Nations-Unies pour le développement), c’est avec le gouvernement américain par le biais de l’USAID ou encore avec des ONG venues de partout ou sorties de nulle part à l’occasion. Et ironiquement, c’est à grand coup de projecteur médiatique que ces projets sont lancés en Haïti.

 

La mitigation du risque sismique

 

La réduction de la vulnérabilité d’une population face au risque sismique ne se fait pas à l’érection de soi-disant «maisons parasismiques» partout. C’est une action réfléchie, ordonnée et qui doit être menée avec rigueur et méthode. La mitigation suppose :

  • une bonne connaissance du risque pour évaluer les actions à entreprendre[1] ;
  • un plan d’aménagement et d’urbanisme prenant en compte l’aléa sismique en considérant les amplifications du mouvement sismique (c’est-à-dire, considérer le niveau d’accélération maximal du sol historiquement connu pour chaque région, voire chaque commune) et les phénomènes induits. Ce qui permettra de faire la répartition géographique des zones susceptibles d’être exposées à des effets de site lithologiques ou topographiques et à la liquéfaction;
  • un véritable programme de formation et d’information pour inculquer à la population la culture du risque sismique et les réflexes appropriés;
  • des programmes d’inspection et d’entretien des infrastructures de façon régulière;
  •  des programmes d’exercices et surtout des dispositions légales, réglementaires et normatives.
  • Enfin, une structure de sécurité civile décentralisée, équipée, entrainée et en alerte en permanence. Et aussi, un niveau de sécurité maximal des bâtiments logeant les structures de secours (casernes de pompiers, centres de secours et hôpitaux.)

  

Construction parasismique et responsabilité publique

 

 C’est maladroit et irrespectueux de faire croire aux gens qu’il existe des maisons parasismiques universelles passe-partout que l’on peut faire pousser n’importe où, comme c’est le cas actuellement en Haïti. Une construction parasismique est un ouvrage qui doit être réalisé à partir d’un ensemble de données et de normes. C’est une décision d’État.

 

Une construction parasismique (qu’il s’agisse de bâtiments à risque normal ou à risque spécial[2]) exige d’abord un zonage sismique du territoire; ensuite des règles, c’est-à-dire des normes techniques décidées par des dispositions légales qui autorisent les constructions et les rénovations; et enfin une règlementation qui statue sur l’application  des règles à respecter.

 

Il est du devoir des  autorités centrales et municipales d’établir ces normes, mais aussi de faire respecter leur application dans les constructions parasismiques. Il revient aussi aux autorités de décider des bâtiments à protéger et aussi du niveau de protection à atteindre. Car, construire parasismique exige une catégorisation des bâtiments selon leur usage et leur dimension, et un zonage qui doit déterminer le niveau de sismicité de la zone de construction en question pour décider du niveau de protection. Ériger çà et là des maisons dites parasismiques sans un plan d’aménagement et sans que l’État ne décide des normes à respecter, ne peut que créer des situations confuses et retarder, sinon empêcher, un véritable plan de reconstruction qui tiendra compte du risque sismique.  

 

Il était une fois la reconstruction

 

En Haïti, rien ne laisse présager pour l’instant une reconstruction. Car, cette dernière suppose l’élaboration de principes directeurs pour amener le pays vers un processus de réduction des risques qui doit lui permettre d’atteindre  un niveau acceptable de résilience aux catastrophes, un projet public de planification d’aménagement du territoire et de planification environnementale. Enfin, des plans de reconstruction et de développement pertinents et cohérents. La reconstruction exige un État fort, des institutions solides, mais aussi et surtout un renforcement des capacités des municipalités. Donc, elle requiert une décentralisation véritable, c’est-à-dire le transfert d'attributions de l'État central aux collectivités territoriales élues au suffrage universel et dotées de ressources financières autonomes. Rien de tout cela n’existe.

 

Aujourd’hui, la reconstruction est renvoyée aux calendes grecques, les préoccupations sont ailleurs. Les mauvaises pratiques recommencent comme si rien ne s’était passé. On attend la prochaine tragédie pour une remobilisation de façade et des promesses qui ne seront que du vent.

 

Dans l’intervalle, la vulnérabilité d’Haïti se dégrade, quelques millimètres de précipitation aujourd’hui représentent un risque majeur, en témoignent les quelques dix morts et les sept mille six cents familles sinistrées lors des dernières pluies. Alors, combien de cadavres faudra-t-il encore pour comprendre enfin la nécessité d’agir dans le bon sens?

 

Hervé Saint Preux

Mai 2012

 

 

 



[1] Dans le cas d’Haïti, l’évaluation post-catastrophe est un impératif pour comprendre le passage du risque à la catastrophe et engager des mesures de prévention efficaces.  C’est le retour d’expérience. Sur le sujet lire l’article : Haïti, deux ans après - Une gestion des risques encore déficiente in «Le devoir», 7 janvier 2012.  http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/339748/haiti-deux-ans-apres-une-gestion-des-risques-encore-deficiente

[2] Les bâtiments « à risque normal » sont des bâtiments, dont les conséquences d'un séisme ne concernent que leurs occupants et/ou leur voisinage immédiat (on les classe en différentes catégories). Tandis que Les bâtiments « à risque spécial » sont des bâtiments qui, en cas de fissures ou d'effondrement, peuvent représenter un danger pour un grand nombre de personnes et/ou pour l’environnement. Ils n’admettent aucun échec. (Ex : installations chimiques, barrage etc.)

 

 



20/05/2012
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