Bienvenue sur le blog de Hervé Saint Preux

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Construction parasismique des bâtiments et responsabilité publique.

«Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise.»

Jean Monnet.

 

Malgré la catastrophe apocalyptique du 12 janvier 2010, et celles qui s’annoncent, en témoignent les signes avant-coureurs de l’évidence d’un séisme majeur dans le grand nord du pays[1] et les résultats préliminaires du microzonage sismique de l'aire métropolitaine présentés récemment par l'ingénieur Claude Prépetit, montrant clairement la gravité des menaces sismiques de la région, les autorités haïtiennes semblent ne pas concerner par la gravité de la situation.

 

Les pays apprennent de leurs catastrophes en prenant des mesures pour éviter leur répétition. On peut prendre en exemples, la directive Seveso prise par les pays de l’Union Européenne à la suite de la catastrophe de Seveso en Italie, le 10 juillet 1976. Ou encore le renforcement de la sécurité civile au Québec suite à la crise du verglas de 1998. Enfin, plus près de nous, les mesures qu’annoncent les autorités du Québec, après la tragédie survenue à Lac Mégantic, pour accorder plus de pouvoir aux municipalités sur le contrôle de la circulation des matières dangereuses sur leurs territoires. D’ailleurs, c’était l’une de mes recommandations, comme chargé de projet en gestion des risques auprès des Municipalités Régionales de Comté (MRC) de Beauharnois-Salaberry et du Haut Saint Laurent au Québec.

 

Je ne cesserai de rappeler que la gestion des risques et des catastrophes s’appuie sur des politiques publiques. En cela, elle suscite des textes de réglementation et nécessite des leviers financiers et politiques. Mais, elle relève aussi de la responsabilité individuelle et collective des individus et groupes sociaux concernés par le risque. La gestion des risques est aussi et surtout un processus qui fait appel à des outils, des méthodes et des actions qui interviennent avant les catastrophes pour les mitiger. Dans le cadre de ce processus les types d'actions envisagées, leur rigueur ou leur portée peut varier selon les sociétés ou selon les risques, mais les étapes de base sont les mêmes.

 

Les risques sismiques exigent qu’on parte de la prémisse suivante: le séisme est inévitable, mais la destruction est évitable. Ainsi, l’évitable exige des mesures concrètes, et aussi des constructions parasismiques. Mais pour construire parasismique il faut un zonage (où?), une réglementation (quoi?) et des règles (comment?). La construction parasismique exige des réponses aux questions suivantes : Quelles classes de bâtiments veut-on ou doit-on protéger? Jusqu’où veut-on ou peut-on aller pour protéger un bâtiment? Comment doit-on protéger un bâtiment ?

 

On ne protège pas les bâtiments de la même manière. La protection est une décision politique. Les réponses à ces questions doivent être apportées par une réglementation et des règles de construction parasismique.

 

       I.            Réglementation et règles

 

La réglementation est un ensemble de textes juridiques qui décident de l’application des règles parasismiques pour la construction des différents types de bâtiments. Elle peut aussi exiger ou non des renforcements pour les bâtiments existants. Le niveau de protection à atteindre est décidé par la réglementation qui est le résultat de  décisions politique, économique et sociétale. Tandis que les règles sont des documents techniques qui sont rendus obligatoires ou non par la réglementation. Ce sont des normes décidées par la loi qui autorisent les constructions ou les rénovations. Elles doivent permettre, la préservation des vies humaines, la limitation les dégâts matériels et la fonctionnalité des structures stratégiques et de secours (hôpitaux, Casernes de pompiers, commissariats de police, bâtiments abritant les groupes d’intervention, bâtiments administratifs etc.). Donc, il faut des lois, des arrêtés et des décrets d’application pour ces règles. Mais surtout, il faut que ces règles et ces réglementations existent. Malheureusement en Haïti ce n’est pas encore le cas.

 

    II.            Les bâtiments à risque normal (BRN) et les bâtiments à risque spécial (BRS)

 

Les bâtiments « à risque normal », ce sont des bâtiments, dont les conséquences d'un séisme ne concernent que  leurs occupants et/ou leur voisinage immédiat. Ce sont des ouvrages dont les dommages affectent le bâtiment lui-même, ainsi il évite les dangers pour l’environnement. Dans d’autres pays, en En France, par exemple, on classe ces bâtiments en 4 catégories :  catégorie 1: ceux dont la défaillance ne présente qu’un risque minime pour les personnes ou l’activité socio-économique  (ex : hangars); catégorie 2: ceux dont la défaillance présente un risque dit moyen pour les personnes (ex: maisons, bureaux); catégorie 3: ceux dont la défaillance présente un risque élevé pour les personnes et ceux présentant le même risque en raison de leur importance socio-économique  (ex : écoles) ; catégorie 4: ceux dont le fonctionnement est primordial pour la sécurité civile, pour la défense ou pour le maintien de l’ordre public (ex: hôpitaux, centres de secours, centres de communication).

 

Cette classification dépend de l’usage et de la dimension du bâtiment et du zonage déterminant la sismicité de la zone de construction en question. En Haïti, un premier pas a été fait avec le microzonage sismique de l’aire métropolitaine présenté par l’ingénieur Prépetit. Mais il faut le faire pour l’ensemble du territoire. Car, tout plan d’aménagement du territoire doit se baser sur ce microzonage pour déterminer, les zones à risque sismique et les constructions appropriées, si toutefois la zone est constructible.  

 

Les bâtiments « à risque spécial », eux, exigent le niveau de protection maximale. Ce sont des ouvrages qui, en cas de fissures ou d'effondrement, peuvent représenter un danger pour un grand nombre de personnes et/ou pour l’environnement. En cas de dommage mineur on peut avoir des conséquences graves par ex : des fuites de gaz ou des explosions dans des installations chimiques, des ruptures de barrage etc.

 

Avec ces bâtiments on ne doit prendre aucun risque. Ils exigent une protection sur mesure, c’est-à-dire, on doit avoir une construction qui fonctionne ou qui résiste pour le séisme maximum historiquement connu. Ainsi on doit considérer à l’intérieur d’une zone sismo-tectonique, le séisme le plus élevé que l’on a déjà enregistré et le Séisme Maximal Historique Vraisemblable (SMHV) pour un site.

 

On doit dimensionner la sécurité du bâtiment que l’on veut construire en fonction de cette possibilité; ensuite il faut  un niveau de sécurité supplémentaire pour un Séisme Majoré de Sécurité (SMS), (il est déterminé en augmentant d'un degré l'intensité macrosismique du Séisme Maximal Historiquement Vraisemblable (SMHV). C’est-à-dire, que le bâtiment doit pouvoir résister au plus grand séisme que l’on peut enregistrer sur le site en question. Cela signifie, que le bâtiment doit présenter plusieurs possibilités, par exemples : stabilité mécanique, opérabilité pendant et après un séisme, étanchéité, capacité fonctionnelle etc. Dans quel que soit le type de construction, la considération des effets induits des séismes (liquéfaction du sol,  glissements de terrains, éboulement, effondrement, jeu de faille etc.) est fondamentale.

 

En Haïti, malgré les catastrophes que nous avons déjà connues et les menaces de plus en plus grandes, les autorités préfèrent la « politique de l’autruche » à la prise de conscience. La société a donc le devoir d’exiger de ces autorités des mesures concrètes et rationnelles pour limiter les dégâts des catastrophes à venir. Plus de trois ans après le 12 janvier 2010, le constat est effrayant. Nous n’avons aucune préparation, aucune planification pour faire face aux sinistres qui nous attendent dans les années, les mois ou les jours à venir.

 

Pour ne pas conclure

Avant la mise en chantier de tout projet de construction, l’État doit élaborer une réglementation et des règles de construction parasismique et surtout veiller à ce qu‘elles soient respectées à l’aide d’ingénieurs qualifiés. Cela exige de la volonté et du travail de la part des politiques (Pouvoir central et Municipalités), des législateurs et des écoles d’ingénieurs (d’où l’obligation de revoir les curricula de ces écoles). La prise ou non de ces mesures est un paramètre important qui peut montrer l’intérêt des autorités publiques pour la protection des vies et des biens de leurs citoyens, bref, leur conception de la sécurité publique. Dans notre cas, il est clair que les leçons du séisme meurtrier du 12 janvier 2010 n’ont pas été apprises.

 

Hervé Saint Preux

Géographe, spécialiste en gestion des risques majeurs

Montréal, août 2013.



19/08/2013
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